vendredi 21 janvier 2011

à quoi sert hitchcock?

J'ai bien peur qu'Hitchcock ne serve à rien aujourd'hui. Disons que c’est un nom de code pour décorateurs. Par décorateurs, j'entend l'ensemble des gens de cinéma, réalisateurs, scénaristes, critiques, qui ne se servent de ce nom que comme marqueur, un truc pour convaincre plus vite spectateurs, producteurs, lecteurs. En vérité c'est comme ça depuis 1955, l'année où Hitchcock déserte le cinéma avec armes et bagages pour la télévision. Cette année là, il commence à produire des miniatures noir et blanc, sous un titre frimeur, Alfred Hitchcock présente, en utilisant sa silhouette (qui n'est pas encore célèbre, mais qui deviendra sa marque de fabrique) pour présenter des films. Il fait son propre attaché de presse, au moment où la profession n'existe pas encore, pour inciter le maximum de spectateurs à rester devant leur télé.
Dès 1955, alors qu'il est loin d'être considéré comme cinéaste, et encore moins auteur, on accuse Hitchcock de trahison. Ce sentiment d’incompréhension est encore plus répandu aujourd'hui, malgré l’ahurissante vogue des séries télé. On fait un contresens auteuriste quand on réédite les Hitchcock présente en n’incluant que les épisodes qu’il a réalisés (pas forcément les meilleurs). Ces miniatures minimalistes doivent autant à la radio, à la nouvelle, qu’au cinéma, qu’elles réinventent de manière radicale. Au moment où des intégrales boursouflées de la moindre série à la mode envahissent le marché, personne n’a encore compris l’intérêt d’une intégrale des Hitchcock présente, qui inclurait évidemment ceux qu’il n’a pas réalisés. Définitivement schizo, ce qui n’aide pas à le comprendre, Hitchcock réalisera d’un côté des chefs d’œuvre de post cinéma comme Vertigo, tout en produisant ces épures minimalistes en noir et blanc sur lesquelles personne ne s’est encore vraiment attardé. Comment critiquer la perfection froide qui s'est saisie du "7ème art" entre 1955 et 1959, si on n’est guidé que par une politique des auteurs myope ? A y réfléchir de plus près (ou de plus loin, c'est à dire un peu moins passionnément), les classiques en prennent un coup, à commencer par ceux d’Hitchcock lui-même: les films tardifs du maître (North by Northwest, Marnie, les Oiseaux), surlignés et surproduits, sont loin d’avoir le génie et la légèreté des 39 marches. Pareil pour Hawks ou Ford : Rio Bravo n'est pas le plus beau des westerns comme on l’a longtemps pensé mais une simple variation distanciée, surlignée elle aussi, sur le travestissement, une sorte de minstrel movie. Il en va de même pour la Prisonnière du désert, exemple parfait de postcinéma, que Ford lui-même considérait au moment de sa sortie comme un mauvais film. Il changera d'avis plus tard pour faire plaisir à ses admirateurs. C'est plus fréquent qu'on ne pense.
Les super techniciens de cinéma (Scorsese aux Etats Unis, Pialat en France, et leur descendance) ont remplacé depuis longtemps l'acte de créer par l'acte de recréer. Au moment des premiers Scorsese ou des premiers Pialat, on a pu ne pas voir que le premier remplaçait l'inspiration par la virtuosité d'expression (la vitesse devant masquer l'absence d'âme ou de personnages), et que le second n'était qu'un ersatz de Renoir, cherchant à produire en direct l'accident qui provoque la grâce. Il devrait être plus facile de voir aujourd'hui, par exemple à travers la faveur extravagante dont jouit Mad Men, qu'un produit de télévision bien fabriqué, dont toute l'énergie consiste à 99% à recréer d'Hitchcock ce qu'il y a de plus superficiel (éclairages, cadrages, postures) comment le faux Hitchcock (dénué de toute posture morale, évidemment) a définitivement remplacé le vrai. Je ne vois que Brisseau, totalement isolé dans le monde des images et des fabricants d'images, à savoir encore recréer l'ensemble du processus hitchcockien, identification avec les personnages compris. Mais lui, c’est un OVNI. On peut dire qu’il est à lui seul le cinéma. Ou ce qu'il en reste.
louis skorecki (les inrockuptibles, 19/01/11)

le protecteur/the guardian (2001-2004), ma série favorite, avec simon baker, tous les jours sur jimmy (17h) ... ce qui se fait de plus proche des feuilletons/mélo de david e.kelley (practice, ally mcbeal, boston public, boston justice)

1975: la lettre perdue

je me demande où est passé lettre de n.?, le film que j'ai réalisé en 1975 ... ...
en 1973, j'avais découpé
eugénie de franval en 9 ou 10 plan-séquences ....... .... j'ai dû attendre un an
(pas assez d'argent) pour tourner l'image, dans un appartement aux fenêtres vêtues de noir .... le principe d'EDF était le même que celui d'india song: il s'agissait de traiter séparement son et image ... c'est l'une des deux raisons pour lesquelles duras adorait le film (ils ont été tournés en même temps, sans avoir eu vent l'un de l'autre) ...
... l'autre raison pour laquelle elle aimait beaucoup EDF, c'était la présence d'une toute petite fille devant laquelle un homme, moi, se masturbe ... marguerite avait même cru (pure hallucination, pur désir) voir le sexe de cette toute petite fille à un moment où elle croise et décroise les jambes (elle est assise par terre) ...
... ... l'idée de mon film suivant, lettre de n. , c'était de rééditer cette idée d'une fiction où son et image se donnent la main tout en s'ignorant, voire en se faisant la guerre ...
cette fois là, le principe n'était pas vraiment sadien, encore que ... j'avais demandé à une amie, nathalie, plutôt douée pour l'écriture, avec laquelle je venais d'avoir une brève liaison, de m'écrire une lettre qui décrirait de manière assez échauffée, nos rapports ... j'ai fait lire cette lettre par une jeune femme, et j'ai balancé cette bande-son sur des plans presque fixes d'une très
très jeune fille, presque un bébé ... c'est tout ...
le seul endroit, si je me souviens bien, où le film a été montré, c'est en 1976 (ou 77) à digne, au moment où pierre queyrel animait ces rencontres auxquelles il avait donné une ferveur extraordinaire (duras était une habituée, stavros tornes, robert kramer, philippe garrel aussi)
... ... pour témoignage de la ferveur exceptionnelle des années queyrel à digne, voir philippe garrel à digne, le film de gérard courant qui est précisément dédié à pierre queyrel, l'homme qui a créé ces rencontres cinématographiques, un véritable espace d'utopie rarissime dans le paysage cinématographique français, où étaient montrées les avant-gardes cinéma du monde entier ... .... queyrel organisa ces rencontres, autant littéraires et philosophiques, que cinématographiques, pendant dix années, de 1973 à 1983 ... ... j'y suis souvent allé ... l'endroit était magique ...
... la projection de lettre de n. eut lieu dans une salle où pouvaient tenir au maximum 20 personnes ... il y en avait 30 ... on le projeta de nouveau: encore 30 personnes ... et ainsi de suite plusieurs fois ... aucun de mes films n'a jamais fait cet effet sur des spectateurs ... ça n'avait rien d'un film porno, mais pour les cinéphiles qui s'y ruaient, séance après séance, ce devait en être un ...
j'aurais adoré le revoir ... je n'ai pas eu le temps de reporter cette lettre de n. sur un autre support, et c'est aujourd'hui impossible ... cette video 1/4 de pouce (qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à une K7, n'existe plus ... je l'ai cherchée et recherchée mille fois, elle est irrémédiablement perdue .....
seul le souvenir qu'en ont des spectateurs que je ne connais pas et que je rencontrerai jamais continue peut-être à faire vivre quelque part au loin cette lettre de n. et à lui apporter, peut-être, un peu d'amour ...

jeudi 20 janvier 2011

1988: cinéphiles 2 (eric a disparu)

il me faut convaincre paul rozenberg et george benayoun, mes producteurs, de me laisser bricoler deux films pour le prix d'un ... j'ai tourné en 3/4 jours plus de la moitié d'un film, pourquoi passer les deux semaines qui me restent à glander? rozenberg, méfiant, demande à lire les dialogues avant de prendre sa décision ... je travaille comme un fou avec ma nouvelle dialoguiste, britt nini, à écrire les dialogues les plus drôles du monde ... il ne les lira pas ... mais finira par dire oui ...

le film qui s'appelle cinéphiles 2 (eric a disparu), avec harold manning dans le rôle principal (un jeune homme agaçant dont benayoun voulait faire "le nouveau fabrice lucchini") est en réalité le tout premier que j'ai tourné, dont les 3/4 ont été bouclés en 3 jours ... c'est patrice kirchhofer qui a tourné sa drôle de photo acidulée .. il restera en 16 mm, au format 1.33, celui que je préfère ... (eric a disparu, exploité en 35 mm et en 16.9, a été photographié par joël david) .... disons qu' eric a disparu est un film rivettien, cinéphiles 2/le retour de jean, plus polissé, plus dialogué, étant plutôt rohmérien ....

lundi 17 janvier 2011

1966/1974: bresson/skorecki


eight years after les pieds dans les nuages (et la tête dans la lune), here's 23 years old laura again, starring this time with future producer humbert balsan, in robert bresson's lancelot du lac, 1974 ... .... i had directed her eight years before, when she was only fifteen (she was clumsy and gracious at the same time) .... as she was supposed never to have been filmed before bresson (who insists on cinema virgins), she had to lie to get the part ... and as the legend insists on being the only truth ever, her appearance in les pieds dans les nuages is not mentioned anywhere ...

1974/eugénie de franval

1982: serge daney a toujours pensé ...

... ... que mon meilleur film était l'escalier de la haine, que j'ai réalisé -bricolé, plutôt- avec mon meilleur copain, patrice kirchhofer pendant quelques jours de l'hiver 1981/82 ... j'avais filmé six ans plus tôt lettre de n. et je l'avais perdu ... ça ne me semblait pas très important à l'époque de perdre un film, surtout un film que je considérais n'être qu'une suite mécanique, une vague réplique d'eugénie de franval ... .... celui-là, je savais qu'il était important ... historiquement, moralement, esthétiquement, il tenait le coup ... il a d'ailleurs voyagé dans plusieurs coopératives de cinéma underground, et m'a assuré quelque légitimité dans le domaine puisque (avec kirchhofer, encore) nous représentions au colloque de l'a.c.i.d.e à lyon (association des cinémas indépendants, différents et expérimentaux) la paris film coop qui avait fini par héberger eugénie de franval ....
... .... si l'ami daney pensait tant de bien de l'escalier de la haine, c'est qu'il s'agissait là d'un film irréductible, un film aphasique, un film d'artiste ... il n'y avait rien à en tirer, il ne voulait strictement rien dire ... même moi, je n'y comprenais rien ... si daney avait su que l'escalier de la haine n'était qu'une épure, un brouillon, le film définitif -le juif de lascaux- devant reprendre certains des personnages et des thèmes de l'escalier pour leur donner enfin un sens, un sens hérétique et prophétique, il l'aurait aimé encore davantage, j'en suis sûr ... mais l'escalier restera l'escalier, et le juif de lascaux ne se fera jamais ... j'en ai décidé ainsi en décembre 1999, ou mars 2000, je ne suis plus sûr de la date ... ... ... ... pourquoi? c'est comme ça ....

1988, elle bouge pas, la queue ....


dans les cinéphiles (le retour de jean)/1988, on reconnaît l'acidité gamine des dialogues signés britt nini... on reconnaît aussi, ici, michel cressole marie nester, andré mouallem ....
fin 1988, je termine les cinéphiles... .... je crois en avoir fini avec le cinéma ... ... mais vingt ans plus tard, grâce à la télévision -ou à cause d'elle (deloye/durance/cinécinéma club), je décide d'ajouter un dernier volet aux cinéphiles, et d'en faire une trilogie dvd: un garçon, deux ou trois filles, un enfant-roi (louis), des improvisations écrites, les ruses de frédéric beigbeder en bonus, et
rio bravo en tant que minstrel movie invité... deux volets de plus surgissent: cinéphiles 3 (les ruses de frédéric) et le retour des cinéphiles (inédit, la première production des films d'occasion) ....

2007: kirchhofer filme le tournage de cinéphiles 3

patrice k. films the shooting of cinéphiles 3 (les ruses de frédéric) on liberation's terrace .... you can see skorecki's radical techniques in directing his actors ...

.... ... .... comment est-ce que je choisis mes acteurs? .... je ne les choisis pas, je ne les ai jamais choisis ... ils viennent à moi, c'est tout ... est-ce que j'aurais pu choisir d'autres acteurs? évidemment ... n'importe quel acteur me va ... si vous préférez, n'importe qui se vaut dans mes films, n'importe qui est parfait ....
celà veut-il dire que vous faîtes n'importe quoi, monsieur skorecki? si tu veux petit, si tu veux ...

dimanche 16 janvier 2011


foreign window/van morrison(dylan on harmonica)/1991

" invraisemblable ou pas, crois-moi, c'est la vérité -et il n'y en a pas deux ..."