vendredi 10 décembre 2010

les ciseaux/ les oiseaux


les oiseaux (1963)

dylan, emmett miller et moi (2002)

sugar baby (stockolm, 2002)/best version ever, sweet and rough at the same time ... ... ....

i was 59, dylan was approching 62.. ... he was capable of singing this very sweet emmett miller influenced song even better than on "love and theft" ... as for me, i had decided to abandon my most ambitious film project, le juif de lascaux a long time ago .... had i definitly lost all desire for film making ... .... or was it just old age (like walter brennan used to mumble in rio bravo)
.. ... ... ...

HELLO DYLAN LOVERS
Ne pas oublier que 2000 est la meilleure année de Dylan, celle où il réapprend de A à Z le plaisir de chanter. Un an plus tard, en 2001, il sort son disque le plus important de ces vingt dernières années, "Love and Theft", le seul de tous ses disques à avoir un titre entre guillemets, parce qu'il est entièrement sous influence Emmett Miller/black minstrels. Love and Theft est en effet le titre d'un livre savant, une étude universitaire sur le phénomène des blackface dans la musique populaire du 19ème siècle, publié un an avant le "Love and Theft" de Dylan.
Ne pas oublier non plus que "Love and Theft" est un disque à la fois vieillot et révolutionnaire, mélancolique et inattendu, qui se terminait, rappelez-vous, par un petit chef d'oeuvre d'intimité fragile et de mélodies brisées, Sugar Baby, l’une des compositions les plus étranges et les plus inattendues du vieux Dylan. Pour aller vite, on pourrait dire que cette chanson suave est un pastiche des vieux airs nostalgiques de Leon Redbone, l’homme dont toute l’œuvre est placée sous le signe d’une dévotion absolue à Emmett Miller (l’intégrale, plutôt maigre, d’Emmett Miller, se trouve sur un seul cd, The Minstrel Man From Georgia, publié dans la collection prestigieuse Roots N’Blues, de Columbia/Legacy).
Pourquoi je vous raconte tout ça aujourd’hui ? Je viens de recevoir la plus belle version live que j’ai jamais entendue de Sugar Baby, la plus douce et la plus rugueuse à la fois, plus lente que l’originale, pourtant si nuancée et délicate. Cette version live a été enregistrée en 2002, à peine quelques mois après la sortie de "Love and Theft" à une époque où Dylan commençait à chanter sérieusement mal, à psalmodier et à massacrer ses propres mélodies avec rage.
Le type qui m’a envoyé cette belle vidéo est un Anglais d’une cinquantaine d’années, avec lequel j’avais pourtant commencé par m’engueuler sec sur le web à propos de Dylan (il ne supportait pas qu’on critique quoi que ce soit venant de Bob, comme la plupart de ses groupies), avant qu’on ne devienne presque des amis via youtube. La politique répressive de Sony étant ce qu’elle est, youtube lui a déjà supprimé son compte six ou sept fois. Il revient à chaque fois à la charge, plus fan que jamais, et décidément infatigable. On a supprimé mon compte youtube deux fois, je vous assure qu’on en a les jambes coupées et qu’il est dur de revenir à la charge, et de tout refaire de nouveau … sous un autre nom, évidemment. Le Dylan lover qui voudrait voir (et surtout écouter) ce joli petit film doit aller sur youtube, taper le nouveau nom de mon ami anglais, blackjackdylan, aller sur son compte, identifier la chanson : la seule mention est 2002, mais j’ai mis un commentaire enthousiaste qui identifie Sugar Baby, on s’y retrouve facilement. Il reste à espérer qu’au moment où vous lirez ces lignes, le compte de blackjackdylan n’aura pas été purement et simplement liquidé encore une fois. C’est tout le bien que je vous souhaite.
PS. pour aller plus vite et trouver Sugar Baby , faire juste
http://www.youtube.com/watch?v=Mni729Y-0uk
(à paraître dans ROLLING STONE)

jeudi 9 décembre 2010

"tu vas retirer ça vite fait, ou je te fous mon poing dans la gueule"

c’est richard qui m’avait dit ça un jour, en 1956 ou 57… on n’était pas fâchés, mais à une fraction de seconde près, je le recevais en pleine poire, son poing furieux … que s’était-il passé pour que mon meilleur ami, d’habitude doux comme un agneau (avec moi, en tout cas) s’énerve à ce point, et soit à deux doigts de me démolir le portrait … j’avais juste, couillon que j’étais, brisé l’un de ses rêves d’enfant/adulte les plus tenaces en lui disant, droit dans les yeux, que quand john wayne parlait, au cinéma, ce n’était pas john wayne … ce n’était pas sa voix … « c’est la voix de qui, alors » ?, avait demandé richard en hurlant … mais, mais … je bafouillais un peu, conscient que j’étais en train de remuer des choses que je ne connaissais pas, plus profondes que je ne pensais … j’ai répondu d’une voix hésitante et assurée à la fois : « mais c’est sa voix française, la voix de celui qui double john wayne en français »

eldorado (1965), le temps de la croyance ou de la connivence?
un film de howard hawks (j'ai passé 6 ou 7 jours en arizona, sur le tournage de ce film moyen de howard hawks, devenant presque copain avec robert mitchum, john wayne, james caan... c'était comment? cherchez ailleurs ... ou attendez un autre texte ...

... ... tu vois, petit, tu es trop petit, mioche que tu es, pour avoir connu ça ... les années cinquante ... c’était encore le temps de la croyance… ce que tu voyais à l’écran, c’était la vérité, la vérité vraie … et celui qui voudrait ébranler cette vérité là, ébranlerait en même temps tes rêves les plus secrets, les plus tenaces … tout ça est fini, bien fini, on est dans le temps de la connaissance, de la connivence, du cynisme généralisé … est-ce que je regrette ce temps-là ? oui, évidemment … c’était le temps des rêves et des vaies peurs dans le noir, le vrai noir de l’enfance

bobby troup's their hearts were full of spring makes me cry each time i hear it


bobby troup/original version (first recording of the song was 1957)

four freshmen/first choral version, 1960/beach boys/second choral version (1965)

i was there when dylan recorded highway 61 revisited, at least half of it

was i that close when he recorded highway 61 revisited in 1965? i have doubts at times... he was so calm and furious at the same time ("il était tellement maigre, disait bernard gidel, il me faisait pitié") ... tout ça s'est passé comme un rêve ...
i had met him in newport a few days ago, we talked a little, he sang like that ...
maggie's farm/newport 1965

mercredi 8 décembre 2010

1959: beau et con à la fois

à seize ans, en 1959, j'étais aussi con qu'un autre sur le cinéma ... j'aimais encore presley, assez pour le courser comme un fan transi dans les rues de paris, mais je devais en même temps m'étourdir, j'en suis sûr, des couplets prétentieux de jacques brel ("beau et con à la fois") et si je me souviens bien, les notes que je donnais aux films que je voyais étaient d'une connerie somme toute courante: les meilleures allaient à deux artistes prétentieux du cinéma d'art et d'essai naissant, fellini et bergman, pour lesquels j'aurais du dédain lucide deux ans plus tard, le temps d'être moins con, disons, et d'aller voir du côté des vf pourries de ménilmontant de meilleures choses pour mon âge, des films d'aventures et des westerns signés de noms encore inconnus pour moi (plus pour longtemps ...), des noms de code comme hawks, hitchcock, ludwig, heisler, edgar g.ulmer ...
the amazing transparent man (edgar g.ulmer, 1960)
... tout comme je m'enfilerais par dizaines, à belleville ou à bruxelles, des dwan de série b., des walsh, des gordon douglas, ou des don siegel ... disons que cinéma, le vrai, m'a abruti très vite face à vraie vie (que je fuyais comme la peste) mais qu'il m'a déniaisé face au cinéma, au vrai cinéma, pour longtemps ....

1958/a prayer for zelig


you don't know what love is/lady in satin (i was fifteen, could have seen billie holiday sing, but i was stupid enough to miss this ultimate magic/don ellis arranges/and conducts the thousand violins she'd been dreaming of for years)

farewell angelina, 1968


mon père aimait aussi la voix de nana mouskouri mais il ne savait pas (et moi encore moins) qu'elle chantait si bien dylan, sur les paroles fades du vieux delanoë ... elle le chantait mieux en tout cas que ce crétin d'hugues aufray .....

highway 65 revisited

tout ça a commencé par un petit texte jeté sur mon blog un jour de pluie, un texte- flashback, un de plus, où je racontais par petites touches comment j’avais appris en un seul été, l'été 1965, ce qu’était la musique, la vraie, pas celles des faux bluesmen noirs et des jazzeux de toutes les couleurs qui ne jouaient que pour eux … cet été là, celui où j'ai suivi l'enregistrement de highway 61 revisited de bob dylan, l'un de ses plus beaux disques, a été mon highway 65 à moi, celui de tous les éblouissements : dylan réinventant à lui seul (et pour toujours) le format/chanson ; le free jazz d’albert ayler ridiculisant son public par son invraisemblable liberté ; sans oublier le jeune jimi hendrix, le jeune miles davis … … le cinéma, je savais ce que c’était depuis au moins deux ans ...
du coup, pfffttt, j'ai remonté le temps ... on est en juillet 1963, je me balade dans un décor de western en carton pâte, sur le grand plateau de la warner ... qui est cet homme élégant, dont un bout coton barre l'oeil, sans le légendaire bandeau noir de pirate qu'on lui connaît? ... raoul walsh, que j'ai la chance invraisemblable de voir tourner son dernier film, a distant trumpet ...
a distant trumpet (raoul walsh, 1963/musique max steiner)

... .... je lui parle longuement, il me répond encore plus longuement, gentiment, timidement, lui qui n’avait jamais parlé à un journaliste de toute sa vie ... quelques jours plus tard, c'est avec un autre borgne célèbre, fritz lang, que je passe la journée dans la villa de son ami gene fowler jr, monteur de plusieurs de ses films ... deux ou trois jours passent, et je me retrouve sur les hauteurs de hollywood, écoutant bouche bée allan dwan me raconter la naissance du cinéma telle qu’elle n’avais jamais été écrite ... j'ai discuté aussi cet été là avec jean renoir, jacques tourneur, samuel fuller ... disons que celà m’a ouvert les portes d’un art d’usine inexploré … ….
... .... d’un ou deux petits textes rageur sur l’été 1965, je suis passé –la pluie ne s’arrêtait pas, ma plume non plus- à d’autres expériences de plus en plus anciennes, de plus en plus personnelles (1962, 1959, 1957 ...), écrites à toute vitesse pour mon blog, c'est-à-dire -ne le prenez pas mal, c’est comme ça- pour personne … où cela me mènera-t-il, je n’en sais rien … c’est ce qu’on appelle de manière assez prétentieuse un « work in progress » … il paraît qu’on n’arrête pas le progrès … voyons voir ...

et si tout ça avait commencé à gürs?

.. ... un camp de concentration français où je suis né tant bien que mal en mars 1943? quand j'ai eu le mauvais goût d'évoquer ça un dimanche matin en comité de rédaction, à quelques jours de mon départ, toute la direction de libération s'est foutue de ma gueule comme un seul homme ... j'ai des preuves de ça ...c 'est dans skorecki déménage ...

morocco, 1969/1970


i lived in morocco a whole year, between 1969 and 1979, mainly in marrakech ... he played every night on djma el fna, as soon as he thought there was enough money, he played, he sang ... no other gnawa ever played or sang like that ... years later i tried to find his wherabouts, learned he'd died, met his son who had promised his father, just before he died, never to play gimbri ... to the old man, playing and begging in the street were the same thing, and he wanted his son not to live as he had lived ... guess he could not prevent destiny from dancing in the street (rare recording, made five or six years after i'd left, around 1975/76)

these days, i'm blogging along with dylan (simple twist of fate, 2010)



at 70, the old man is still able to make and old song completely new

2000: dylan is singing better than ever/this is the year i decide never to finish le juif de lascaux


frankie lee and judas priest/maybe the best live version ever (england, 2000)

dimanche 5 décembre 2010

mes années rebelles (1)/jimmy

….elles sont loin les splendides errances de ma jeunesse d’idiot professionnel : quatre ans pour passer le bac (il y en avait deux à l’époque … ce qui n’était pas une raison pour devenir du jour au lendemain un crétin patenté) … entre quinze et dix-huit ans, je préférais glander avec richard ou jimmy, mes copains de la BRJL (bande rebelle de julien lacroix), plus rapides que moi à l'art de piquer leur sac aux bourgeoises péroxydées, … … jimmy, c’était un titi parisien, un voyou de la plus belle espèce qui se comparait volontiers au jeune belmondo (lui aussi avait fait de la boxe), mais pour parler vrai, jimmy avait autant de quasimodo que du héros gracieux et insouciant d’à bout de souffle … son année la plus flamboyante, à jimmy, si je me rappelle bien, c'était 1957 ... j'avais à peine quatorze ans, il devait en avoir dix-huit, visage déjà marqué ... le visage d'un blues de louisiane, miaulé férocement par le fondateur de la swamp music, lightnin' slim
1957/love me mama/i'm a rolling stone/lightnin' slim(two sides of excello single)
... il était tout petit, jimmy … je pense que c'était un vrai kabyle, mais, petit ou pas, il avait de ces coups de tête à vous éclater les arcades sourcilières (et plus si affinités) … jimmy a disparu, aux dernières nouvelles on l’avait renvoyé en algérie alors qu’il n’y avait aucune attache et ne parlait même pas la langue … faudrait que je me mette à sa recherche un jour ... mais la seule adresse que je lui connaissais, le bar de son frère dans un petit passage pavé entre ménilmontant et couronnes, a l'air d'avoir été détruit ... se mettre à sa recherche, tant d'années plus tard, ça ressemblerait à quoi?

mes années rebelles (2)/richard

... richard , c’est une autre histoire .... je la raconterais peut-être un jour cette histoire, celle du premier blouson noir de la france gaulliste, mon meilleur ami (avec son éternel rival, michel klein) depuis qu’on avait cinq ans … il était resté gamin dans sa tête, frimait avec une bande de tarés nettement plus petits, vivait des rapports contrariés et compliqués avec sa mère, une salope de première, capable de le laisser dormir toute la nuit sur le paillasson, quand il avait treize ou quatorze ans ... une mère qui par pure bêtise et inconscience l’enfonça à son procès en prétendant, l’idiote, qu’elle avait tout fait pour lui, et ne comprenait pas comment il avait pu tuer un brave homme, un juif, par une après midi ensoleillée sur les grands boulevards … je comprenais, moi, mais personne ne m’a posé la moindre question …richard voulait juste draguer son épouse grassouillette, aux charmes provocateurs, et le mari sépharade aux épaules de catcheur était allé s’empaler, le con, sur l’opinel frimeur de richard … maître floriot, l’un des ténors de l’époque, représentait la veuve juive … richard prit 15 ans, fit la une des journaux .... comme je le disais, j’en parlerais peut-être un jour ...
gaby/alain bashung("remets moi johnny kid ...")
quand je ne zonais pas, opinel en poche, avec richard, jimmy, et une dizaine de blousons noirs de la BRJL, j’étais occupé à mal travailler au lycée en face de chez moi, boulevard de ménilmontant, ou à continuer comme un taré obsessionnel ma collection de buvards …. et surtout à poursuivre en amateur ma très personnelle chasse aux autographes …. …

a few things i know about autograph hunting in the early sixties

"des jeunes attendaient charlie chaplin pour le photographier" (paris, 1956)
ce titre glorieux de l’huma, c’était en vérité un sous-titre qui nous désignait, michel klein et moi (et trois ou quatre autres quidams), les yeux écarquillés, en train d’attendre l’apparition (au sens religieux) de ce vieux charlot que nous vénérions à quatorze ans au moins autant que le faisait -pour services rendus au parti- l’ensemble des militants d’extrême gauche français. …
… au dessus de cette légende, il y avait la photo, je l’ai perdue depuis longtemps, où deux jeunes lycéens transis de froid signifiaient par leur regard-caméra, un regard fixe et intemporel, qu’ils attendraient le temps qu’il faudrait pour avoir un autographe … … l’autographe, je l’ai toujours, collé dans l’un des deux ou trois cahiers d’école prévus à cet effet, où je scotchais maladroitement les signatures des « vedettes » que j’avais réussi à coincer à l’une des entrées des artistes que je fréquentais après les cours (surtout l’alhambra maurice chevalier, près de l'avenue de la république), ou devant l’un des palaces parisiens qu’ils fréquentaient : le raphaël, le prince de galles, le george V ….
contrairement à ce qu’on voit depuis vingt ans, l’activité de chasseur d’autographes était strictement limitée à un club d’une dizaine de tarés comme moi, elle se s’était pas encore démocratisée (grâce à la télé) … du coup, je peux dire aujourd’hui que nous formions l’avant-garde, l’aristocratie d’un hobby presque confidentiel, pas encore balisé, mais déjà empreint d’une religiosité bricolée, avec son pendant d’exaltation bien caché dans le cartable … savoir où était descendus romy schneider ou jack palance relevait du parcours initiatique … c’était plus difficile pour otto preminger ou jayne mansfield, et carrément impossible, trois ans plus tard, en 1959, pour elvis presley … mais celui là, il était hors de question que je le rate … il était pour moi …

" invraisemblable ou pas, crois-moi, c'est la vérité -et il n'y en a pas deux ..."