mardi 2 février 2010

this bootleg version of billy/from pat garrett and billy the kid to salute ZANZIBAR QUARTERLY




BOB & BONNIE
Si vous me lisez depuis longtemps, vous savez que j’adore me répéter. Ressasser, radoter, ça fait partie du crédo d’un ex-cinéphile qui n’a pas su guérir de son amour du cinéma, un ex-cinéphile qui n’a jamais que deux ou trois idées, pas plus, mais qui ne les lâche pas, comme un chien ne lâche jamais son maître. Plutôt se laisser enterrer avec lui que l’abandonner. En relisant sept ou huit chroniques écrites entre 2002 et 2007, sur Dylan dans Pat Garrett & Billy le Kid (reproduites dans le premier numéro d’une belle revue, Zanzibar QUATERLY & co), je me disais une fois de plus: tu radotes, Skorecki, mais tu es le seul à le faire si bien.
Voici la première de ces chroniques aléatoires:

PAT GARRETT & BILLY LE KID (Libération, 2002)
Au début des années 60, quand il zonait dans le village avec Pierre Cottrel, Dylan n'imaginait ce qu'il allait devenir : la mémoire ambulante de la musique populaire américaine, un crooner tardif, et même un acteur à succès. Le moins étonnant, dans sa métamorphose, c'est la greilmarcusation de son image, sa transformation en roi roots de l'Amérique blanche. Depuis Love and Theft, on sait que Dylan le vrai Dylan, se trouve plutôt du côté des black minstrels. Du coté de la peur, mêlée de fascination, des petits blancs pour les noirs. Il doit y avoir travestissement (du corps et de la musique) pour que ça passe. A travers Emmett Miller, le dernier black minstrel, Dylan rend enfin hommage aux branleurs prérock qui posent en nègres, et aux chanteurs de bordel transformés en preachers(Georgia Tom/Thomas A.Dorsey).
Si Pat Garrett et Billy le Kid est le moins mauvais Peckinpah, c'est à Dylan qu'il le doit. A sa musique mélancolique en forme d'aubades mexicaines, mais aussi à son apparition dans le film. Il ne joue pas, il est là. Se contenter d'être là, c'est bon pour les grands acteurs (Mitchum) ou pour les légendes. Dylan tisse en direct la toile d'invraisemblance qui supporte sa maladresse extrême, sa maigreur. Il n'a rien à faire, juste être là, au milieu de la rue, au milieu du film, comme un rappel de ce qu'il est. Il est quoi, au fait, Dylan? Avant de devenir crooner-acteur, on a longtemps cru qu'au mieux, ce nasillard nerveux vendrait des chansons aux autres. Fred Neil, l'ami des virées junky, n'arrêtait pas de lui dire: « T'es pas un chanteur, toi. » S'il avait su, pauvre Neil, que c'était la version Nillsson de sa belle chanson, Everybody's Talkin'About you qui allait triompher, et pas la sienne, il aurait fermé sa gueule. Et Pat Garrett? Et Peckinpah? Seule la fragilité évanescente de Dylan, aux côtés d'un crooner country moins convaincant, Kris Kristofferson, donne quelques inconsistances au film. Ressortir d'urgence Renaldo and Clara. Version longue ou courte, le film est une merveille d'étrangeté symboliste.
L'Amérique rigole quand on lui dit que Paul Newman et Bob Dylan sont ses plus grands cinéastes. L'Amérique rigole toujours quand il ne faut pas.

Sinon, les concerts japonais et coréens de Dylan sont sublimes (plus de 50 chansons, d’une beauté lourde et évanescente à la fois, sont en écoute au 2/02/2010 sur mon blog). Presque aussi beau, le dernier CD du mutant Bonnie Prince Billy : harmonies îvres, dissonances prédylaniennes, perfection malade. Ca s’appelle The Wonder Show of the World. Ne ratez pas ça.
(à paraître dans ROLLING STONE)

2 commentaires:

TKOY a dit…

Répéter vous Mr Skorecki....Radoter si ça vous chante....Mais j'aime lire et relire ces mots : Minstrel,Dylan, Fred Neil, Mitchum, branleurs prérocks, Bonnie Prince Billy, aubades mexicaines...J'espère qu'une chose : que la musique ne vous décevra pas comme l'a fait le cinéma..

P.S. Il est vraiment bien le dernier Bonnie Prince Billy...à peine sorti que c'est déjà mon préféré...et je n'arrive toujours pas à savoir pourquoi...

skorecki a dit…

lisez philippe l. (ordet blog): sur bonnie prince billy, il est très bien ...


" invraisemblable ou pas, crois-moi, c'est la vérité -et il n'y en a pas deux ..."